routes de nuit

Publié le par loic le meur

edit 1073

 

Routes de nuit (Col de la Chavade)

C’était autrefois, ce récent moyen âge où l’on allait encore sans se soucier de rien. Des heures, des jours, des nuits passées dans ce vieil Henschel au tableau de bord en tôle. Un camion d’autrefois pour routes incertaines, mécanique Saxonne conçue pour le travail au flegme de bétail.    


Souvent ma route c’était la Nationale 102 qui va du Puy à la vallée du Rhône par Aubenas. Une route dure et inquiétante l’hiver sur le plateau de Peyrbeille  peuplé de rumeurs d’assassinats.

 

Au départ avant d’atteindre la Chavade une longue épreuve commence, partant de la haute Loire et courant vers le Sud. Une rampe continue sur son versant Atlantique, paysage d’altiplano constellé de tourbières, gravie péniblement parce que ses rampes sont traîtres à en disjoindre l’effort de la machine.

 

 Le paysage est vite mélancolique, les rangées d’arbres qui bordent par moment le chemin attendent longtemps le printemps.  Des villages linéaires muraillés de basalte aux fenêtres minimes, Costaros, Landos, panoramas  furtifs roulants comme des congères.

 

Et puis le désert du plateau Ardéchois, plus rien avant Lanarce si ce n’est que l’auberge  rouge rapetassée dans la Burle quand l’hiver le passage est impossible. L’ennui d’une toundra rallonge les minutes et l’asphalte résonne dans la cabine en fer. Le diesel alors, se met à ondoyer ronronnant sous le couple.  


Le métal semble se remettre en ligne pour tout à l’heure, l’impitoyable descente de la Chavade qui portera au rouge le ventre des tambours qui geindront  sous l’effort de freinages continus.

 

Avant le col, il y à Lanarce, le gardien de la pluie qui s’arrête sur ses pentes. Lanarce est un village d’où au-delà tout change, une sorte de lime saisissable entre deux mondes. Le vert, celui de l’atlantique où les rivières vont puissantes et chargées de limons. Le blanc, celui de la méditerranée  aux sublimes vallées où parfois l’eau se perd.

 

C’est la nuit, les routes sont toujours longues et je n’ai que vingt ans, une colère d’inculte me taraude déjà. Mais parfois des fenêtres s’entrouvrent sous la lune…

  

 

Une lune ahurie qu’adoucit ma colère, roule sur les étoiles de journées endormies

L’asphalte resplendit en cette nuit déserte, escaladant les côtes de vallons raisonnables

 

Mon silence s’éblouit

 

Cadrans de la machine qui laisse par derrière

Un soupir qu’ensommeillent

Les ruisseaux désertés en d’étroites ravines

 

Je bascule doucement vers les Sud grandioses

La chanson des tambours au royaume du frein

Une attente insoluble, prisonnier de la charge

 

Un destin solitaire

 

Au-delà des plateaux sur les routes nocturnes

La neige amoncelée en des congères sales enlumine le froid

Une torpeur glaçante, le temps comme arrêté

 

Et ces étranges songes qui hâtent nos réveils

Brisures d’une vie aux âpres pertinences

Qu’on voudrait fuir encor

 

                Parce qu’ils nous offensent .

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H
<br /> Longtemps que je ne t'avais pas lu...............on voyage toujours autant dans tes mots<br /> <br /> <br /> ça fleure bon le Bernard Clavel tout cela<br /> <br /> <br /> Au plaisir d'avoir de tes nouvelles et peut être de te revoir un jour si tu passes à Paris<br /> <br /> <br /> Amitiés<br />
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